Romane Truc
Tentative d’explication nébuleuse
La création de cette plateforme web fut l’occasion pour moi de réunir mon travail en un même lieu, virtuel. Un environnement spécial s’est peu à peu créé en faisant réfléchir, en son cœur, les idées internes à chaque corps. Les corps, autant de rubriques, forment une cartographie qui offre un panel d’inspirations et de recherches formelles. Œuvres d’artistes que j’ai rencontrés très récemment, et en regard, mes peintures, leurs dérivés formels. J’y ai aussi ajouté mes installations, un court métrage qui m’est cher, des compositions musicales ou ambiances sonores … Dans un soucis d’abord pratique, j’ai pensé qu’il serait en effet plus simple de regrouper les fragments, mais je me rends compte que cette plateforme propose, à sa manière, des sauts dans le temps. Une vue globale sur un environnement en mouvement, éternellement inachevé.
Voyageons maintenant dans les différents corps.
Nébuleuse, la page d’accueil du site, constitue une collection d’œuvres. Considérez cet espace comme le hall d’entrée de mes recherches. Pour être honnête, c’était une étape nécessaire. Il fallait absolument que j’accroche des tableaux dans ce hall vide. Ce mouvement vers l’extérieur m’a permis de recueillir tout autant de petits microcosmes que l’art parsème dans l’espace et le temps. Mon travail m’a amené à ces œuvres, et ces œuvres m’amènent désormais à reconsidérer mon travail.
Ce regroupement iconographique - qui n’en est qu’à ses débuts – précise mes influences, mes intérêts, tant du côté du fond que du côté de la forme. Pour le moment, ces œuvres sont principalement des tableaux. En naviguant dans la nébuleuse, il est alors possible de dresser une sorte de portrait, fragmenté, des univers qui m’inspirent. Ce patchwork visuel m’apporte différentes directions à explorer.
Je vois dans cette nébuleuse colorée différents courants se dessiner, des symboles, des idées ; des attraits émerger. Lesquels, à priori différents, pourraient finalement se rencontrer de près. Il est tout d’abord question de temporalité. J’observe des coordonnées temporelles et spatiales. De l’art égyptien au Moyen-âge, en passant par le romantisme (fin XVIIIe), le symbolisme qui émerge un siècle plus tard (fin XIXe), le mouvement préraphaélite (que l’on peut situer entre les deux derniers) ou encore le surréalisme (XXe siècle)… Les temporalités sont multiples et pourtant les œuvres me semblent faire partie d’une même famille.
Je constate sur un bon nombre de ces tableaux la représentation d’une réalité altérée et mystérieuse. Bateaux volants du Moyen-âge, châteaux aux architectures toutes aussi alambiquées que les gravures d’Escher, ou du Jardin des Délices. Dans ces œuvres, le réel est multiple, ses couleurs infinies.
Alors que les images nous racontent des histoires en nous emmenant dans différents types de lieux et paysages. Les symboles, eux, semblent nous adresser quelque chose d’invisible, avec une intention plus autoritaire et formelle. Les symboles sont des sortes de petits prophètes, et ils survivent au temps. Je dirais même qu’ils constituent le socle du temps ; ses fondements. Il semblerait que la danse des symboles organise le langage de la conscience.
Le corps suivant, Compositions picturales, présente un travail récent de recherche formelle. La page dévoile un assemblage de mes tableaux en couleurs environné de prolongements d’eux-mêmes ; des photomontages en noir et blanc basés sur les principes de superposition, transparence et renversement spatial. J’étudie, ici, les trajectoires qui se fondent entre elles et leur modification sur le paysage. Je m’intéresse par ce biais au phénomène paréidolique.
Une paréidolie (du grec ancien para-, « à côté de », et eidôlon, diminutif d’eidos, « apparence, forme ») est un phénomène psychologique, impliquant un stimulus (visuel ou auditif) vague et indéterminé, plus ou moins perçu comme reconnaissable. Ce phénomène consiste, par exemple, à identifier une forme familière dans un paysage, un nuage, de la fumée ou encore une tache d'encre, mais tout aussi bien une voix humaine dans un bruit, ou des paroles (généralement dans sa langue) dans une chanson dont on ne comprend pas les paroles.
Cet assemblage amène différents questionnements dont :
- Le rôle et les effets de la couleur. Les couleurs apportent-elles une nouvelle lecture formelle ? Sont-elles créatrices d’un environnement/ d’un paysage, plus vaste et moins cloisonné que les contours d’une forme ?
- La pluralité des perceptions : l’appropriation psychique subjective de la forme, la place du symbole (le symbole transcende-t-il la perception formelle?) …
Le troisième corps, Installations, présente plusieurs travaux de mise en espace réalisés l’an dernier (2018/2019) et cette année (2020). Les deux premières installations ont pour point commun le thème du rêve, leurs descriptions respectives les introduisent sur la page en question. La troisième installation, nommée Au pluriel et Au-delà est une collaboration effectuée en ce début d’année avec mon ami Dimitri Loschi, étudiant en 4ème année, dans ma promotion à l’ESAAA (Annecy). Il était question de faire coexister et dialoguer nos travaux dans un même espace. Challenge intéressant et rassurant. Ce fut pour moi l’occasion d’assumer mes peintures et l’histoire, l’héritage qui les entoure. Mes tableaux sont accrochés au milieu des tableaux de mon grand-père, Germain Pluchon (alias Papy moustache), qui s’est envolé rejoindre les étoiles en juin 2018. Le plus grand artiste à mes yeux qui a laissé derrière lui un trésor remarquable.
Le quatrième corps, Compositions musicales, regroupe différents travaux sonores réalisés à différentes périodes, quand l’envie ou le besoin m’apparaît. Ambiance sonore réalisée à partir d’un récit de rêve lointain ou de sentiments diffus, reprises de musiques de groupes qui me plaisent, création d’ambiances musicales pour accompagner les images d’un court métrage… Ces compositions ont pour similitude mon goût - parfois exagéré mais incontrôlable ! - pour l’utilisation de la reverb et du delay ; la création d’environnements « ecclésiastiques » emplis de tapis sonores empilés les uns sur les autres qui se fondent en un.
L’Infime est un travail récent d’écriture. L’une des choses que permet l’écriture est la création illimitée d’environnements. Vertigineux mais foisonnant. L’Infime est un environnement plutôt abstrait qui est voué à se transformer. Il est le berceau de la création, dans un sens littéral comme plus large et dépourvu de contours. Pour le moment, seules deux nouvelles constituent L’Infime, Les gouttes et Les perles. D’autres rédactions sont en cours et viendront intégrer L’Infime par la suite. Je n’en dis pas plus, bonne lecture !
Il était important pour moi d’accorder ensuite un espace pour Daydream, un court métrage réalisé en 2018 avec mon ami Germain Brévot. Fabuleuse aventure que de créer avec lui. Germain est mon ami rencontré à la fac lors de mon cursus cinématographique. C’est avec lui que j’ai réalisé mes premiers et seuls projets audiovisuels, et malgré les différents types d’embûches rencontrées sur notre route, je reste persuadée d’une chose : nous créerons ensemble encore et encore. Daydream est loin d’être parfait, mais ses imperfections en font la beauté dans mon cœur et mes souvenirs.
Schémas vient ensuite, corps assez peu foisonnant pour le moment. Je pense mes schémas comme des potentielles formes plastiques, à préciser par la suite.
Pour finir, un coup d’œil sur la rubrique Bibliographie, qui s’étoffera et se précisera au fil de mes recherches.
A l’heure actuelle, ma recherche n’est pas méticuleusement structurée ; j’observe au loin des courants, des concepts et des idées apparaître. Le moment pour les organiser n’est pas encore venu, je souhaiterais me perdre encore un peu. Néanmoins, et compte tenu des circonstances actuelles, j’ai été contrainte d’organiser mon travail autrement. La mise en espace de celui-ci, ainsi que de mes inspirations et recherches, sur une même plateforme virtuelle m’a, malgré moi, amené à créer un paysage qui réfléchit sur lui-même et de lui-même. Une boucle de rétroaction, comme un larsen.
Je me demande alors, comment, le fait d’explorer différents médiums - sans accorder plus ou moins d’importance à un modèle d’expression précis - m’apporte-t-il des clarifications sur mon propre rapport à la création ? Peut-on avancer la piste d’une création d’environnement ?